Avant-propos p. 7
TERNAIRE ET TRINITÉ p. 17
DIFFÉRENTS GENRES DE TERNAIRES p. 23
CIEL ET TERRE. p.32
« YIN » ET « YANG » p. 39
LA DOUBLE SPIRALE p. 46
« SOLVE » ET « COAGULA » p. 55
QUESTIONS D'ORIENTATION p.65
NOMBRES CÉLESTES ET NOMBRES TERRESTRES . p. 74
LE FILS DU CIEL ET DE LA TERRE p. 82
L'HOMME ET LES TROIS MONDES p. 88
« SPIRITUS », « ANIMA », « CORPUS » p. 94
LE SOUFRE, LE MERCURE ET LE SEL p. iO2
L'ÊTRE, ET LE MILIEU p.109
LE MÉDIATEUR p. 120
ENTRE L'ÉQUERRE ET LE COMPAS p.128
LE « MING.-TANG ». p.135
LE « WANC. » OU LE ROI-PONTIFE p.144
L'HOMME VÉRITABLE ET L'HOMME TRANSCENDANT p.153
« DEUS », «HOMO », « NATURA » p. 160
DÉFORMATIONS PHILOSOPHIQUES MODERNES . p.167
PROVIDENCE, VOLONTÉ, DESTIN p.172
LE TRIPLE TEMPS p.179
LA ROUE COSMIQUE p.187
LE « TRIRATNA » p.194
LA CITÉ DES SAULES p.201
LA VOIE DU MILIEU p.209
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CHAPITRE XI
SPIRITUS », « ANIMA », « CORPUS»
La division ternaire est la plus générale et en même temps la plus simple qu'on puisse établir pour définir la constitution d'un être vivant, et en particulier celle de l'homme, car il est bien entendu que la dualité cartésienne de l' « esprit » et du «corps », qui s'est en quelque sorte imposée à toute la pensée occidentale moderne, ne saurait en aucune faon correspondre à la réalité; nous y avons déjà insisté assez souvent ailleurs pour n'avoir pas besoin d'y revenir présentement. La distinction de l'esprit, de l'âme et du corps est d'ailleurs celle qui a été unanimement admise par toutes les doctrines traditionnelles de l'Occident, que ce soit dans l'antiquité ou au moyen âge; qu'on en soit arrivé plus tard à l'oublier au point de ne plus voir dans les termes d' «esprit » et d' « âme » que des sortes de synonymes, d'ailleurs assez vagues, et de les employer indistinctement l'un pour l'autre, alors qu'ils désignent proprement des réalités d'ordre totalement différent, c'est peut-être là un des exemples les plus étonnants que l'on puisse donner de la confusion qui caractérise la mentalité moderne. Cette erreur a d'ailleurs des conséquences qui ne sont pas toutes d'ordre purement théorique, et elle n'en est évidemment que plus dangereuse (1); mais ce n'est pas là ce dont nous avons à nous occuper ici, et nous voulons seulement, en ce qui concerne la division ternaire traditionnelle, préciser quelques points qui ont un rapport plus direct avec le sujet de notre étude.
Cette distinction de l'esprit, de l'âme et du corps a été appliquée au « macrocosme » aussi bien qu'au « microcosme », la constitution de l'un étant analogue à celle de l'autre, de sorte qu'on doit nécessairement retrouver des éléments qui se correspondent rigoureusement de part et d'autre. Cette considération, chez les Grecs, paraît se rattacher surtout à la doctrine cosmologique des Pythagoriciens, qui d'ailleurs ne faisait en réalité que « réadapter » des enseignements beaucoup plus anciens; Platon s'est inspiré de cette doctrine et l'a suivie de beaucoup plus près qu'on ne le croit d'ordinaire, et c'est en partie par son intermédiaire que quelque chose s'en est transmis à des philosophes postérieurs, tels par exemple que les Stoïciens, dont le point de vue beaucoup plus exotérique a du reste trop souvent mutilé et déformé les conceptions dont il s'agit. Les Pythagoriciens envisageaient un quaternaire fondamental qui comprenait tout d'abord le Principe, transcendant par rapport au Cosmos, puis l'Esprit et l'Âme universels, et enfin la Hylê primordiale ; il importe de remarquer que cette dernière, en tant que pure potentialité, ne peut pas être assimilée au corps, et qu'elle correspond plutôt à la « Terre » de la Grande Triade qu'à celle du Tribhuvana, tandis que l'Esprit et l'Âme universels rappellent manifestement les deux autres termes de ce dernier. Quant au Principe transcendant, il correspond à certains égards au « Ciel » de la Grande Triade, mais pourtant, d'autre part, il s'identifie aussi à l'Être ou à l'Unité métaphysique, c'est-à-dire à Tai-hi; il semble manquer ici une distinction nette, qui d'ailleurs n'était peut-être pas exigée par le point de vue, beaucoup moins métaphysique que cosmologique, auquel le quaternaire dont il s'agit était établi. Quoi qu'il en soit, les Stoïciens déformèrent cet enseignement dans un sens « naturaliste », en perdant de vue le Principe transcendant, et en n'envisageant plus qu'un « Dieu » immanent qui, pour eux, s'assimilait purement et simplement au Spiritus Mundi; nous ne disons pas à l'Anima Mundi, contrairement à ce que semblent croire certains de leurs interprètes affectés par la confusion moderne de l'esprit et de l'âme, car en réalité, pour eux aussi bien que pour ceux qui suivaient plus fidèlement la doctrine traditionnelle, cette Anima Mundi n'a jamais eu qu'un rôle simplement « démiurgique », au sens le plus strict de ce mot, dans l'élaboration du Cosmos à partir de la Hylê primordiale.
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