…/…p.42 édition de 1976 (Véga)
Mais revenons aux rapports de la connaissance et de l'action ; nous avons eu déjà l'occasion de traiter cette question avec un certain développement (1), et, par conséquent, nous ne répéterons pas ici tout ce que nous avons dit alors ; mais il est cependant indispensable de rappeler tout au moins les points les plus essentiels. Nous avons considéré l'antithèse de l'Orient et de l'Occident, dans l'état présent des choses, comme pouvant en somme .se ramener à ceci : l'Orient maintient la supériorité de la connaissance sur l'action, tandis que l'Occident moderne affirme au contraire la supériorité de l'action sur la connaissance, quand il ne va pas jusqu'à la négation complète de celle-ci ; nous disons l'Occident moderne ne seulement, car il en fut tout autrement dans l'antiquité et au moyen âge. Toutes les doctrines traditionnelles, qu'elles soient orientales ou occidentales, sont unanimes à affirmer la supériorité et même la transcendance de la connaissance par rapport à l'action, à l'égard de laquelle elle joue en quelque sorte le rôle du « moteur immobile » d'Aristote, ce qui, bien entendu, ne veut pas dire que l'action n'ait pas aussi sa place légitime et son importance dans son ordre, mais cet ordre n'est que celui des contingences humaines. Le changement serait impossible sans un principe dont il procède et qui, par là même qu'à est son principe, ne peut lui être soumis, donc est forcément « immobile », étant le centre de la « roue des choses » (1) ; de même, l'action, qui appartient au monde du changement, ne peut avoir son principe en elle-même ; toute la réalité dont elle est susceptible, elle la tire d'un principe qui est au delà de son domaine, et qui ne peut se trouver que dans la connaissance. Celle-ci seule, en effet, permet de sortir du monde du changement ou du « devenir » et des limitations qui lui sont inhérentes, et, lorsqu'elle atteint l'immuable, ce qui est le cas de la connaissance principielle ou métaphysique qui est la connaissance par excellence (2 ), elle possède elle-même l'immutabilité, car toute connaissance vraie est essentiellement Identification avec son objet. L'autorité spirituelle, par là même qu'elle implique cette connaissance, possède aussi en elle-même l'immutabilité ; le pouvoir temporel, au contraire, est soumis à toutes les vicissitudes du contingent et du transitoire, à moins qu'un principe supérieur ne lui communique, dans la mesure compatible avec sa nature et son caractère, la stabilité qu'il ne peut avoir par ses propres moyens. Ce principe ne peut être que celui qui est représenté par l'autorité spirituelle ; le pouvoir temporel a donc besoin, pour subsister, d'une consécration qui lui vienne de celle-ci ; c'est cette consécration qui fait sa légitimité, c'est-à-dire sa conformité à l'ordre même des choses.
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